Enguerrand et la méthode des 3i
Article paru dans Ouest France le 12 avril 2016
Chaque année en France, 1 enfant sur 150 naît avec un trouble envahissant du développement. Près de 80 % des jeunes autistes de moins de 16 ans en âge d’aller à l’école ne sont pas scolarisés et seuls 20 % d’entre eux sont admis en milieu scolaire ordinaire. Manque de structures, aides financières insuffisantes, diagnostic tardif… les parents se heurtent à plusieurs obstacles.
Lire la suite de ce reportage sur le site Doctissimo : Cliquez !
Par Marine Lamoureux, le 1° avril 2016, Journal La Croix
Les mots du psychiatre résonnent encore dans la tête de Sophie Colonna : « Votre fils souffre
d’un autisme sévère, le mieux sera de le placer en institution. Pleurez un bon coup et passez à
autre chose », avait-il conseillé aux parents anéantis. « Son message c’était : “Vivez, de toute
façon votre fils est perdu.” Luigi avait 2 ans et on le condamnait », raconte aujourd’hui cette mère
de trois enfants, qui vit dans un coin de campagne, à 30 kilomètres de Paris. Ni elle ni son mari
n’ont pu s’y résoudre.
Huit ans après, en cette fin de matinée pluvieuse, Luigi rentre de l’école. Avec son visage très
doux, son sweat à capuche et son cartable, il ressemble à n’importe quel élève de CM1. Certes il
quitte l’établissement avant les autres, car y passer une journée entière serait trop difficile, en
raison de l’agitation, du bruit et de la nécessité de rester assis. Le garçon de 10 ans suit donc
certains enseignements à la maison, avec l’aide des répétiteurs du Centre national
d’enseignement à distance (Cned).
> A lire : À l’écoute des besoins des autistes adultes
« On revient de loin »
Pour Sophie, ce parcours scolaire est une victoire, parmi beaucoup d’autres : l’accès à la parole,
à 5 ans, la fin des gestes stéréotypés de Luigi, la diminution de ses angoisses, qui pouvaient être
terribles. « Quand il était bébé, je ne pouvais pas le mettre nu pour le bain, se souvient cette
belle femme de 46 ans, au regard un peu triste. C’était comme si je le plongeais dans du feu…
On revient de loin », souffle-t-elle. « Si nous l’avions mis en institution, notre fils en serait encore
à se taper la tête contre les murs », est persuadé son père, Ferdinand.
Ses parents ont choisi d’aller « contre l’ordre établi », disent-ils. « On nous proposait une voie de
garage, alors on a suivi nos tripes et il en fallait, car la pression était énorme, du corps médical,
de notre entourage… », souligne Sophie Colonna.
> A lire : Des robots aident de jeunes autistes à exprimer leurs émotions
Grâce à d’autres médecins, la maman entend parler de l’association Autisme espoir vers l’école,
qui promeut « la méthode des 3i » (1), fondée sur le jeu et une interaction soutenue avec l’enfant.
La méthode n’est pas recommandée par la Haute Autorité de santé (HAS), faute de travaux de
recherche suffisants. Mais certaines familles font état de résultats spectaculaires. « Le temps
était compté, alors on s’est lancés », dit Sophie.
« Etre avec lui, de favoriser l’échange »
Ce choix exige une grande organisation : « Il fallait trouver 40 bénévoles, pour jouer avec Luigi
six heures par jour, toute la semaine, poursuit-elle. Chaque “séance”, dans la salle de jeux,
durait une heure et demie, autour d’une balançoire, d’un petit trampoline, d’un miroir et de jouets
trouvés dans des brocantes. » Formés par l’association, les bénévoles avaient surtout pour rôle
« de solliciter l’enfant mais sans le contraindre. Il s’agissait avant tout d’être avec lui, de favoriser
l’échange », décrit Sophie, qui pour la première fois reprend espoir.
La directrice de l’école, des voisins, des amis acceptent d’aider Luigi. « Au bout d’une heure de
jeux, on en retrouvait certains hilares, à jouer par terre, les cheveux ébouriffés ! », s’amuse
Sophie. Quant à Luigi, il commence à sortir de sa bulle. « Il s’est mis à nous regarder, à sourire.
Un jour, en rentrant à la maison, il a dit : “Je suis là !” C’était majeur : cela voulait dire qu’il se
sentait exister. »
« 24 heures sur 24, le jour, la nuit »
Cette prise en charge a duré quatre ans, jusqu’à l’entrée à l’école à 6 ans. Quatre ans sans répit
pour Sophie, qui dit « avoir puisé jusqu’à la moindre petite parcelle d’énergie » trouvée en elle.
S’occuper des bénévoles, bien sûr, mais aussi se battre pour que Luigi soit scolarisé, répondre
aux exigences du Cned, tout en s’occupant de ses deux autres enfants, de la maison… « Ce qui
est difficile avec cette maladie, c’est que c’est 24 heures sur 24, le jour, la nuit – pendant
trois ans, je n’ai quasiment pas dormi… On risque parfois de se perdre soi-même. »
Le chemin est encore long : Luigi reste un enfant différent et rien n’est totalement acquis, Sophie
Colonna le sait. Pour Caroline, la répétitrice de français, son parcours ouvre néanmoins
d’immenses espoirs. « En un an, je l’ai vu progresser, devenir plus autonome, constate
l’institutrice. La grande force de sa mère, c’est de chercher sans cesse, de n’être jamais figée.
Sophie voit d’abord son enfant, pas le handicap, et elle ose. »
Depuis quelques mois, le garçon est inscrit à un cours de tir, comme son frère. Lors de la
dernière compétition, il a gagné une médaille de bronze.
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La stimulation de Myriam Szejer
« Lorsque le diagnostic a été posé dans un grand hôpital parisien, sans réelle issue
pour nous, j’ai décidé d’aller voir la pédopsychiatre et psychanalyste Myriam Szejer,
raconte Sophie Colonna. Luigi venait d’avoir 2 ans. Cette femme, qui s’intéressait au “langage”
des tout-petits, m’inspirait confiance. Elle m’a orientée vers des médecins
spécialistes de l’autisme, tout en me disant une chose qui ne m’a plus quittée : il faut agir vite car
tout ce qui est fait pour aider l’enfant lorsqu’il est en bas âge compte dix. »
Oui. ..
Oui, des hommes et des femmes sont solidaires.
Oui, on peut changer les choses par des actions à notre portée.
Oui, même des actions qui semblent vaines ont leur utilité, peuvent porter leurs fruits.
Oui, on peut trouver des mains tendues. Oui, ça vaut la peine d’essayer !
Mais non, je ne suis toujours pas le gentil de service. J’espère que vous l’aurez compris … Je ne suis pas un optimiste béat, je ne prêche pas pour une paroisse.
J’essaie simplement d’être attentif à l’autre, depuis toujours. Peut-être parce que je me suis toujours posé des questions, depuis l’enfance. J’ai depuis ce moment le sentiment que les autres peuvent m’apporter des réponses aux questions qui tournent inlassablement dans ma tête. J’ai cette curiosité de les comprendre, j’en ai parlé.
A Courbevoie, dans les Hauts-de-Seine, une structure accueille cinq enfants et adolescents autistes âgés de 7 à 17 ans, six jours sur sept, de 9h à 18h30. C’est le centre Lud’Eveil 3i , crée en janvier 2013, qui observe la méthode des 3i (intensive, individuelle et interactive). Cette technique repose sur un principe simple : communiquer avec l’enfant atteint de troubles du spectre autistique (TSA) par des jeux non directifs et créer un échange par l’imitation pour reconstruire son développement psychomoteur.
Lors de notre visite au centre, nous sommes tout d’abord accueillie par Josette Domingos, présidente de l’association Lud’Eveil 3i, et Anaïs Bisdorff, chargée de communication de l’association Autisme Espoir Vers l’Ecole ( AEVE ), porteuse de la méthode des 3i partout en France. Toutes les vitres du centre sont dépolies, offrant une bonne isolation visuelle avec l’extérieur. Autour du hall d’entrée, plusieurs portes closes. Derrière chacune joue un enfant. Des exclamations, des bruits de jeu, une effervescence enfantine parviennent jusqu’à nous.
Ici, 35 bénévoles formés à la méthode développementale des 3i se relaient toute la semaine pour jouer avec les enfants, en tête à tête. “Chaque enfant a sa propre équipe et toutes les journées sont organisées de la même manière : une première séance de jeu de 9h à 10h30, puis une deuxième avec un autre bénévole jusqu’à midi” détaille Josette Domingos. “L’après-midi, trois autres séances de jeu d’une heure et demie se succèdent de 14h à 18h30” ajoute-t-elle.
Le bénévole joue le rôle d’un véritable compagnon de jeu. “Il n’est pas question pour lui d’arriver en position d’enseignant, les séances ne se préparent pas” précise Josette Domingos. Le bénévole est totalement à l’écoute de l’enfant et l’imite dans ce qu’il veut faire. C’est précisément le cas de Michel, bénévole au centre Lud’Eveil 3i depuis trois ans, auprès de Léna, 8 ans. Nous les rencontrons tous les deux, à l’heure de la pause-déjeuner. “Au début, Léna était dans son monde, elle faisait des crises, se tapait la tête par terre, se griffait. Ça s’apaise avec le temps. Elle a des regards plus expressifs, elle émet des petits sons. La première fois qu’on a réussi à saisir son regard, c’était une vraie victoire” témoigne Michel, tout en gardant un œil affectueux sur la petite fille. Effectivement, Léna est vive et semble épanouie. Elle nous regarde, sans ciller, avec un grand sourire.
Dans sa salle de jeu, qui affiche son prénom et la photo des visages de tous ses bénévoles, Léna s’observe dans le miroir, touche son reflet. Autour d’elle, tout est équipé pour le jeu : elle peut se rouler par terre sur les tapis, manipuler un gros ballon et même se réfugier dans un coin rassurant. Les jouets sont disposés en hauteur, sur des étagères, pour apprendre à l’enfant à les pointer du doigt, à communiquer par le geste. “La salle est un vrai cocon sensoriel qui répond aux besoins moteurs et psychiques de l’enfant” nous explique Chloé Bornens, jeune psychologue au centre Lud’Eveil 3i. C’est pourquoi, les premières années, l’enfant reste exclusivement dans le cadre sécurisant de sa salle de jeu. Puis, graduellement, le bénévole peut organiser des sorties avec l’enfant quand il commence à s’ouvrir l’extérieur, comme nous le raconte Michel : “aujourd’hui, j’ai emmené Léna au parc pour faire du toboggan. Avant ce n’était pas possible de la sortir du centre, maintenant elle accepte le bruit des voitures et la proximité des autres enfants.”
En effet, suivant l’évolution de l’enfant, les bénévoles vont pouvoir adapter leurs activités. “La première phase est celle de l’autisme profond. Le seul but des séances de jeu est alors de capter le regard de l’enfant, d’interagir avec lui, de l’imiter” précise Chloé Bornens. La deuxième phase repose sur la mise en place de jeux puis d’ateliers au cours desquels l’enfant pourra s’asseoir à une table s’il le souhaite. Lorsqu’il est prêt pour l’apprentissage, la troisième phase consiste à chercher une structure (école, cours de sport…) où l’inscrire pour une courte durée au début, qui augmente avec le temps. L’objectif final est que l’enfant puisse un jour réintégrer un parcours scolaire.
Et cette méthode semble bien parvenir à ses fins : “une étude rétrospective sur 449 enfants suivis pendant 10 ans par l’association AEVE montre d’ores et déjà que 51% d’entre eux ont retrouvé le chemin de l’école classique, après seulement deux à quatre ans de méthode des 3i” se réjouit Anaïs Bisdorff. Comme Léna dont les progrès s’observent déjà au bout de trois ans, Etienne*, inscrit au centre Lud’Eveil 3i depuis 2013, évolue de jour en jour. En nous racontant son parcours, Nicole*, la maman du jeune garçon, laisse transparaître une grande émotion. “Etienne* a enfin trouvé un endroit où ce qu’il fait est en harmonie avec son âge mental. Avant d’intégrer le centre Lud’Eveil 3i, il était dans sa bulle : il prenait un coussin ou une couverture et allait s’emmitoufler dans un coin. Il est maintenant très présent, s’est ouvert au monde quand les bénévoles et les psychologues se sont mis à son niveau. Ça a été une véritable renaissance.” Chloé Bornens partage cet émerveillement devant l’efficacité de la méthode : “C’est passionnant car on voit les enfants s’épanouir. L’autisme n’est pas assez souvent relié à la notion de progrès. Ici, c’est le cas.”
Trois psychologues, dont Chloé Bornens, spécialement formées à la méthode des 3i, observent attentivement la moindre avancée des cinq enfants. Ces spécialistes suivent chacune un ou deux jeunes, et participent également à leurs séances de jeu une fois par semaine. Mais comment peuvent-elles garder un œil sur tout ce qu’il se passe ? Grâce aux caméras disposées dans chaque salle, qui enregistrent toutes les séances. Elles peuvent ainsi observer l’évolution du jeune patient dans le temps et améliorer les interactions entre enfant et bénévole. En feuilletant un classeur organisé et bien rempli, Chloé Bornens nous explique qu’ “à la fin de chaque séance, les bénévoles y notent un court compte-rendu de ce qu’il s’est passé pendant l’heure et demie : les jeux choisis par l’enfant, son humeur, ses réactions… Nous choisissons ensuite de regarder les vidéos des séances les plus marquantes“. Les vidéos aident aussi les bénévoles à comprendre les problèmes qu’ils peuvent rencontrer.
Actuellement, le centre Lud’Eveil 3i est complet et dispose d’une liste d’attente pour les nouvelles demandes. “Nous sommes physiquement limités, puisque nous ne disposons que de cinq salles de jeu“, déplore Josette Domingos. C’est pour le moment le seul centre qui pratique la méthode des 3i en France. Une alternative est d’aménager chez soi une telle salle de jeu, et de bénéficier de l’encadrement de l’association AEVE. Cette structure rassemble 6 500 bénévoles investis, motivés, et concernés, comme en témoigne Michel : “Léna a besoin qu’on s’occupe d’elle et moi, j’ai envie de m’investir, de régler un peu cette souffrance. J’ai eu la chance d’avoir des enfants qui n’étaient pas différents, maintenant j’aide ceux pour qui ce n’est pas le cas.”
* Les prénoms ont été modifiés.
Sources :
>> A lire aussi :
La méthode des 3i pour traiter l’autisme par le jeu
Autisme : une association interpelle la ministre de la Santé
SOS Autisme lance l’alerte pour changer les mentalités
Autisme : approche psychanalytique, approche comportementale, quelles différences ?
Article paru dans Ouest France le 4 mai 2016 à 4h30
Les membres de l’association La petite chenille, qui a pour mission de fédérer des bénévoles autour d’un enfant montfortais présentant des troubles de spectre autistique, se mobilisent une nouvelle fois pour sensibiliser à la cause de l’autisme. Née en 2014, cette association est en fait une déclinaison de l’association Autisme espoir vers l’école (Aeve), dont le but est d’amener des enfants diagnostiqués autistes à une vie sociale et scolaire aussi normale que possible, par une pédagogie éducative intensive : la Méthode des 3i (intensive, individuelle, interactive).
Présent le 2 avril, à la Journée mondiale pour sensibiliser à l’autisme, à Dinan, La petite chenille poursuit son chemin pour proposer une semaine d’information, du 30 mai au 4 juin. AEVE, composée de bénévoles, accompagne des familles d’enfants autistes pour la mise en oeuvre de cette méthode des 3i depuis 2005. Pour ses dix ans, l’association AEVE a organisé le Tour de France autisme espoir 3i. Entre juin 2015 et juin 2016, 30 à 40 manifestations pour sensibiliser à l’autisme, avec l’aide des 200 familles suivies actuellement, sans oublier les 6 000 bénévoles, ont eu lieu.
« L’objectif de ce Tour de France est de faire connaître l’association, son expérience et ses résultats, mais également de défendre le libre choix de la prise en charge de ces enfants, ont expliqué les membres de La Petite chenille. Par ses actions, l’Aeve souhaiterait être reconnue de façon nationale pour sensibiliser le public sur l’autisme et faire connaître la méthode des 3i, qui obtient de bons résultats. L’association a donc sollicité les familles d’enfants autistes qui ont une équipe de bénévoles comme nous, pour organiser des animations lors de cette semaine. »
Ils ont marché pour l’autisme.
A l’occasion de la Journée mondiale de sensibilisation à l’autisme, une soixantaine d’adhérents et bénévoles de l’association « Autrepart 39 » a déambulé dans les rues samedi.
La manifestation avait pour but d’informer le public sur les réalités, les difficultés de diagnostic et de prise en charge de ce trouble du développement.
« L’autisme n’est pas une maladie psychiatrique. C’est un trouble neurologique », a précisé Teodora Bamdé, bénévole en tête du groupe.
Louane, 7 ans, accompagne ses parents, David Mouquand et Karine Thirion. « Louane a été diagnostiquée vers 5 ans. Cela a été très long et compliqué » précisent ses parents. Depuis janvier 2015, Louane bénéficie de la méthode des 3i (voir plus bas).
32 bénévoles se relaient auprès d’elle 6 j/7 à raison de 7 h 30 d’exercices par jour. “Elle a énormément progressé. Elle parvient à fixer son regard sur un objet. Son vocabulaire s’est enrichi. Avant, elle criait parce qu’on ne la comprenait pas”.
Victor a 20 ans. “Mon fils est passé à travers les mailles” dit son papa Philippe Bontoux. “Son autisme a été détecté à 17 ans, après bien des échecs scolaires. Il parlait bien mais avait des difficultés d’assimilation et vivait dans sa bulle. Depuis 2 ans, il bénéficie de la méthode des 3i et cela l’a transformé, il s’isole moins. Il cherche le contact”.
Pour Christiane Magnin, bénévole auprès de Louane et Stephen Thiébaud, auprès de Victor “Cela donne un sens à notre vie, on se sent utile et cela fait une bouffée d’oxygène aux parents”.
L’association Autrepart 39
Créée en 2014, elle regroupe quatorze familles du bassin dolois et des bénévoles. Elle offre un espace de parole et d’échanges pour toutes les familles confrontées à l’autisme, quelle que soit la méthode d’accompagnement. Soixante bénévoles interviennent auprès des jeunes autistes, dont quarante-cinq formés à la méthode des 3i.
Contact : Agnès Gaillard, 06.71.25.58.17. ou autrepart39@laposte.net
La France a 40 ans de retard sur la prise en charge de l’autisme . C’est face à ce constat affligeant que l’association Autisme Espoir Vers l’Ecole ( AEVE ) adresse ce 21 avril 2016 une lettre ouverte à la ministre des Affaires Sociales et de la Santé Marisol Touraine. AEVE préconise depuis 10 ans la méthode des 3i (pour intensive, individuelle et interactive), une technique développementale et éducative. Celle-ci repose sur le jeu non-directif et l’échange ludique entre l’enfant et des bénévoles, en tête-à-tête. Cette interaction permet à l’enfant souffrant de troubles du spectre autistique (TSA) de reconstruire chacune des étapes développementales qu’il a occultées. Ainsi, depuis 10 ans, AEVE a suivi 449 enfants autistes, dont 51% ont réintégré un parcours scolaire classique après trois ans de méthode des 3i.
“Des situations objectives de maltraitance d’enfants”
Pourtant, cette méthode n’est pas suffisamment prise en compte dans les programmes de recherche hospitalo-universitaire, malgré la recommandation de la Haute autorité de santé (HAS) de “réaliser des recherches cliniques sur des méthodes émergentes“, comme la méthode développementale des 3i, alerte AEVE. Les parents qui font le choix de ces thérapies développementales pour leur enfant ne bénéficient pas, par conséquent, d’allocations financières. De plus, AEVE dénonce le choix gouvernemental de placer tous les enfants TSA en structure collective “qui conduit à des situations objectives de maltraitance d’enfants“. L’association explique en effet que “les particularités développementales ou sensorielles de ces enfants ne sont pas prises en compte, alors qu’il est démontré […] qu’ils sont soumis à une surcharge sensorielle insupportable dans tout lieu collectif, que ce soit la salle de classe ou la cour de récréation“.
Rembourser les dépenses liées à la méthode des 3i
La lettre ouverte de l’association AEVE demande donc à la ministre de la Santé d’offrir une plus grande liberté de choix pour les familles, en fonction de leurs besoins et de leurs envies.
Concrètement, la méthode développementale des 3i présente un très bon rapport coût/efficacité, puisqu’elle est “10 fois moins onéreuse que les méthodes cognitivo-comportementales [comme la méthode ABA ], et évite davantage la mise en institution à l’âge adulte“, souligne AEVE. Un argument qui appuie la requête de l’association d’attribuer un caractère remboursable aux dépenses liées à la méthode des 3i (aménagement d’une salle de jeu pour l’enfant, formation des parents et suivi par un psychologue).
AEVE ne souhaite pas ici imposer méthode développementale des 3i, mais l’inclure à un large panel de choix pour les parents d’enfants autistes, souvent démunis et peu informés. Et permettre à des centaines d’enfants autistes de retrouver, pas à pas, le chemin de l’école et la joie de vivre.
Parmi les différentes thérapies proposées pour soigner l’autisme, la méthode des 3i (intensive, individuelle et interactive) s’appuie sur le jeu et l’échange. Décryptage.
Une petite salle de jeu, des bénévoles bienveillants et aucune contrainte d’apprentissage. Tels sont les fondements de la méthode des 3i (intensive, individuelle et interactive). Son but : remettre en marche le développement psychomoteur de la personne autiste .
La méthode des 3i pour traiter l'autisme par le jeu https://t.co/e30Vzpuyqq pic.twitter.com/XRL66K6w83
— Top Santé (@Topsantecom) 15 avril 2016
La méthode des 3i naît en 2004, quand Catherine de la Presle élabore des astuces pour soigner son petit-fils Augustin, souffrant de troubles du spectre autistique. Elle s’inspire alors de la méthode Sun-Rise, développée peu de temps auparavant par deux psychanalystes américains. Le principe est simple : éveiller l’enfant autiste par des jeux non directifs et créer un échange par l’imitation. Cette méthode est intensive car elle stimule l’enfant toute la journée, tous les jours, pour ne pas qu’il s’enferme “dans sa bulle”. Elle est individuelle car l’enfant est isolé et bénéficie de l’attention complète de bénévoles, en tête à tête. Enfin, elle est interactive car il s’agit de capter l’attention de l’enfant par des activités et des échanges ludiques qu’il choisit lui-même. En 2005, face aux progrès observés chez son petit-fils, Catherine de la Presle fonde l’association Autisme Espoir Vers l’Ecole (AEVE) dont elle est aujourd’hui directrice. “Au bout d’un an et demi, Augustin a commencé à souffler, à émettre des sons, puis à faire usage de la parole” raconte Anaïs Bisdorff, responsable de l’antenne régionale d’AEVE Normandie et chargée de communication de l’association. “Augustin est alors repassé par toutes les étapes qu’il avait occulté depuis qu’il était bébé” ajoute-t-elle. Il a réintégré l’école progressivement et, aujourd’hui, Augustin a 15 ans. “Il est bon en classe et présente juste un trouble léger de l’intégration sociale” révèle Anaïs Bisdorff.
Aujourd’hui, AEVE accompagne 200 personnes autistes, âgées de 18 mois à 30 ans, et suivant la méthode des 3i grâce à un réseau de 40 psychologues et de 6 500 bénévoles. Cette méthode se pratique à domicile ou dans le centre expérimental Lud’Eveil , à Courbevoie (Hauts-de-Seine), actuellement seul centre appliquant les 3i en France. Le coût d’une prise en charge par la méthode des 3i est estimé à 350 euros par mois et par enfant. Elle atteint 1 000 euros lorsqu’elle se déroule au centre Lud’Eveil. A titre de comparaison, le coût mensuel de laméthode ABA (Applied Behavior Analysis) est évalué à 3 500 euros à domicile et 8 000 euros dans un centre.
Concrètement, les parents d’un enfant autiste peuvent prendre contact avec AEVE et suivre une formation d’une journée à Boulogne-Billancourt (Hauts-de-Seine). Cette formation coûte 150 euros. Il leur faudra ensuite aménager chez eux ou chez des proches une salle de jeu équipée d’un coin pour s’isoler, de tapis, d’un miroir, de balles et ballons et de plusieurs jouets. Dans cette salle, des bénévoles formés par AEVE se relaient toute la journée pour des séances de jeu d’une heure et demie, et un(e) psychologue suit l’enfant toutes les semaines. La salle ne doit pas excéder 10 mètres carrés pour que l’enfant s’approprie facilement l’espace : “la salle est un vrai cocon sensoriel qui répond aux besoins moteurs et psychiques. L’enfant doit en connaître les limites pour se sentir en sécurité. Si c’est trop grand, ça peut générer de l’angoisse, l’enfant court, fait des allers-retours” met en garde Chloé Bornens, psychologue clinicienne au centre Lud’Eveil, spécialisée dans les troubles développementaux de l’enfant.
“Le jeu non-directif favorise de nouvelles connexions cérébrales qui permettent le rétablissement de la communication verbale et non-verbale, puis des apprentissages” détaille Catherine de la Presle. L’échange ludique et l’ imitation vont particulièrement stimuler les neurones miroirs , cellules du cerveau qui jouent un rôle dans l’apprentissage et dans la création de liens sociaux. Il s’agit alors d’amener la personne autiste à s’éveiller par étape, naturellement, en rebâtissant toutes les phases développementales. “Les enfants en reconstruction suivent toujours le même processus : ils babillent avant de parler, ils jouent avec des marionnettes avant de jouer avec leur main, de tenir des objets, puis un crayon“, détaille Anaïs Bisdorff. Une grille développementale permet de suivre la progression de la personne autiste.
Si la méthode des 3i a d’abord été élaborée pour des enfants, elle n’est pas soumise à limite d’âge. “Plus les personnes autistes sont pris en charge jeunes, plus le cerveau est plastique mais il y a de la plasticité à tout âge, donc il y a toujours de l’espoir” souligne Anaïs Bisdorff.
Petit à petit, l’enfant progresse, apprend à communiquer, à jouer, à interagir. “Son attention peut s’exprimer de manière très simple : un regard, une caresse, un son émis, un sourire” précise Anaïs Bisdorff. La méthode des 3i participe aussi à rééduquer les troubles sensoriels de la personne autiste , qui souffre fréquemment d’hyper ou d’hyposensibilité, c’est-à-dire qu’elle ressent trop ou pas assez les sensations visuelles, auditives ou tactiles. L’agitation de la rue ou d’une salle de classe peut alors se révéler très pénible, voire insurmontable. Quand l’enfant évolue et que son autonomie grandit, l’association AEVE envisage une réintégration progressive dans un parcours scolaire, soit dans une école classique, soit dans une Classe d’Intégration Scolaire (CLIS), soit dans un centre spécialisé de type Institut médico-éducatif (IME). Ceci “à condition qu’ils aient acquis les outils de communication nécessaires pour une vie de classe : simplement interpeler l’instituteur ou l’institutrice, dire s’il a mal quelque part ou s’il a besoin d’aller aux toilettes, interagir avec les autres enfants” explique Anaïs Bisdorff. La réintégration doit se faire petit à petit, d’abord une heure par semaine, puis une demi-journée, jusqu’à rejoindre une classe à temps complet.
Plusieurs études scientifiques sur la méthode des 3i sont en cours et devraient très prochainement permettre de l’inscrire aux recommandations officielles de la Haute Autorité de Santé (HAS) pour la prise en charge des troubles du spectre autistique. Une étude rétrospective sur 449 enfants suivis pendant 10 ans par l’association AEVE montre d’ores et déjà que 51% d’entre eux ont retrouvé le chemin de l’école classique après seulement deux à quatre ans de méthode des 3i. Chaque petit progrès est un pas vers la victoire, selon Josette Domingos, présidente de l’association Lud’Eveil : “la méthode des 3i permet à chaque enfant d’évoluer et de grandir. Il y a un espoir pour toutes les familles.”
Et n’oubliez pas notre #PétitionAutisme AEVE pour les enfants autistes : non à l’exclusivité, et pour le libre choix des méthodes reconnues efficaces par les familles et professionnels.Soutenez AEVE dans son action : cliquez ici pour lire et signer la pétition
Sources :
Article repris du magazine Top Santé paru le 14/04/2016 : La méthode des 3i pour traiter l’autisme par le jeu
L’association Autisme espoir vers l’école et Dinan patrimoine ont mobilisé 150 personnes, ce samedi 2 avril, en centre-ville. | Ouest-France.
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L’association Autisme espoir vers l’école et Dinan patrimoine ont mobilisé 150 personnes, ce samedi 2 avril, en centre-ville.
Parents et amis de l’association “Autisme espoir vers l’école” et Dinan patrimoine, ont marché main dans la main, ce samedi 2 avril, à l’occasion de la Journée mondiale de sensibilisation à l’autisme. À 14 h 30, 150 participants étaient rassemblés place Duclos. Ils ont pris la direction de la Grand rue, via le Crec.
Une marche pour promouvoir la méthode des 3 iDans le cortège, Sylvaine, Dinannaise, est une maman soulagée. Son fils Flavien (12 ans), chez qui on a diagnostiqué un trouble envahissant du développement en 2014, va mieux. « Il gère mieux ses frustrations, ses colères. Il les désamorce tout seul et est très ouvert et attentif aux autres. Il est bien encadré par 25 bénévoles formés et participe a des activités ». Seul bémol : Flavien va sortir du système scolaire à la fin de l’année, et les collèges ne sont pas adaptés à son trouble. Il va poursuivre ses études à la maison et aura besoin de bénévoles.
« Les bénévoles, qui interviennent auprès des enfants autistes, sont formés, soulignait la psychologue Géraldine Prioux, qui intervient elle-même dans les familles d’autistes en Côtes-d’Armor et en Ille-et-Vilaine. Ils passent une journée pour apprendre la méthode des 3 i (interactif, individuel, intensif), au siège, à Boulogne-Billancourt. »
Retrouvez plus d’informations sur ce sujet dans votre édition Dimanche Ouest-France du 3 avril 2016 également disponible en version numérique.
« L’objectif est de parler de l’association Autisme espoir vers l’école, à laquelle nous appartenons, et de soutenir son action, notamment le développement de la méthode des 3I», explique Christine Schweitzer, la maman de Charlotte, qui l’a mise en place en 2014.
Cette méthode, dite individuelle, intensive et interactive, va à contre-courant des pratiques employées dans les établissements médico-éducatifs. « Tout est ludique, tout est basé sur le jeu, l’échange et la communication et non sur l’apprentissage par cœur des choses », poursuit Christine. Mais cette façon d’accompagner à chaque instant les pas d’une jeune autiste nécessite un gros investissement humain. C’est pour cette raison qu’il y a deux ans, les parents de Charlotte avaient lancé un appel à bénévoles pour se relayer au quotidien auprès de leur fille, la stimuler, et jouer avec elle.
Le message, alors publié dans nos colonnes, n’était pas resté sans réponse. Trente-cinq personnes au démarrage avaient accepté d’apporter leur aide à la famille Schweitzer. «Mais au fil du temps, on a perdu quelques volontaires, certains ont dû renoncer car ce n’est pas simple de s’occuper d’un enfant autiste. Il faut le dire, ce n’est pas du baby-sitting, insiste Christine, qui en profite pour relancer un nouvel appel. Nous avons besoin d’une dizaine de personnes pour pallier les absences et assurer un roulement permanent. »
Un appel d’autant plus important que l’adolescente, depuis le passage à la méthode des 3I, a fait d’énormes progrès. « Elle est sortie de sa bulle, elle est dans la phase d’affirmation de soi », se félicitent ses parents et son grand frère Julien.
Si vous souhaitez soutenir Charlotte, contactez Christine et Jean-François Schweitzer au 06 85 78 91 84. Une réunion de formation a lieu tous les mois dans la commune.
article publié le 2/4/2016 dans la Voix du Nord
http://www.lavoixdunord.fr/region/crevecoeur-sur-l-escaut-une-centaine-de-personnes-ia13b45107n3424036
Vu surDoctissimo, L’avis de Nhan, la maman de Jules, 8 ans
Jules a été diagnostiqué à 5 ans. “Nous avons perdu beaucoup de temps au CMP. On nous disait qu’il était TED (NDLR : atteints de troubles envahissants du développement) mais qu’il pouvait continuer l’école. Mais, dans le même temps, les autres enfants se moquaient de lui, il se renfermait sur lui-même. Il a perdu l’usage de la parole à 4 ans“, explique Nhan, la maman de Jules. “Il est suivi depuis un an dans cette structure avec la méthode des 3i. J’ai vu une évolution. Désormais, il va facilement vers quelqu’un. Il dit au revoir. Il a également moins d’angoisses. Il accepte de rester au square lorsque ce n’est pas bruyant. Ici, c’est son cocon. Il est content de voir les bénévoles à qui il fait de gros câlins. Bien sûr, il ne parle pas mais se fait davantage comprendre avec des gestes. Les échanges sont donc plus faciles. La relation humaine est très importante dans cette méthode et je sens mon fils épanoui. Les bénévoles lui donnent de l’amour. Cette méthode est celle qui lui convient le mieux. L’objectif est qu’il intègre par la suite une école Montessori pour qu’il puisse travailler librement.”
Réponse de AEVE sur cet article de Bruno Paoli, publié dans Change.org en réponse à l’émission de TV de Mercredi 30 avril, diffusée sur France 2 :
Un téléfilm émouvant dans lequel nous avons pu avoir un aperçu des difficultés que rencontrent les familles lorsqu’elles sont confrontées au diagnostic de l’autisme.
“Je dois saluer le scénario et l’équipe de production qui, pour interpréter le rôle de l’enfant, a fait appel à un vrai autiste et non un comédien. Cela s’est d’ailleurs vu dès son premier regard et ses premiers gestes désordonnés.
En revanche, le débat qui a suivi ce téléfilm m’a, une fois de plus, replongé dans le désespoir.
Nous avons pu y entendre un psychiatre soi-disant “spécialiste reconnu de l’autisme” parler de l’autisme comme étant “une pathologie”.
Nous avons également eu le témoignage