Sophie Colonna, son fils, sa bataille
Par Marine Lamoureux, le 1° avril 2016, Journal La Croix
À l’occasion de la Journée de sensibilisation à l’autisme, vendredi 1er avril, Sophie Colonna et
Luigi, son fils de 10 ans, scolarisé en CM1, nous ont raconté leur quotidien, un parcours âpre
mais porteur de grands espoirs.
Les mots du psychiatre résonnent encore dans la tête de Sophie Colonna : « Votre fils souffre
d’un autisme sévère, le mieux sera de le placer en institution. Pleurez un bon coup et passez à
autre chose », avait-il conseillé aux parents anéantis. « Son message c’était : “Vivez, de toute
façon votre fils est perdu.” Luigi avait 2 ans et on le condamnait », raconte aujourd’hui cette mère
de trois enfants, qui vit dans un coin de campagne, à 30 kilomètres de Paris. Ni elle ni son mari
n’ont pu s’y résoudre.
Huit ans après, en cette fin de matinée pluvieuse, Luigi rentre de l’école. Avec son visage très
doux, son sweat à capuche et son cartable, il ressemble à n’importe quel élève de CM1. Certes il
quitte l’établissement avant les autres, car y passer une journée entière serait trop difficile, en
raison de l’agitation, du bruit et de la nécessité de rester assis. Le garçon de 10 ans suit donc
certains enseignements à la maison, avec l’aide des répétiteurs du Centre national
d’enseignement à distance (Cned).
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« On revient de loin »
Pour Sophie, ce parcours scolaire est une victoire, parmi beaucoup d’autres : l’accès à la parole,
à 5 ans, la fin des gestes stéréotypés de Luigi, la diminution de ses angoisses, qui pouvaient être
terribles. « Quand il était bébé, je ne pouvais pas le mettre nu pour le bain, se souvient cette
belle femme de 46 ans, au regard un peu triste. C’était comme si je le plongeais dans du feu…
On revient de loin », souffle-t-elle. « Si nous l’avions mis en institution, notre fils en serait encore
à se taper la tête contre les murs », est persuadé son père, Ferdinand.
Ses parents ont choisi d’aller « contre l’ordre établi », disent-ils. « On nous proposait une voie de
garage, alors on a suivi nos tripes et il en fallait, car la pression était énorme, du corps médical,
de notre entourage… », souligne Sophie Colonna.
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Grâce à d’autres médecins, la maman entend parler de l’association Autisme espoir vers l’école,
qui promeut « la méthode des 3i » (1), fondée sur le jeu et une interaction soutenue avec l’enfant.
La méthode n’est pas recommandée par la Haute Autorité de santé (HAS), faute de travaux de
recherche suffisants. Mais certaines familles font état de résultats spectaculaires. « Le temps
était compté, alors on s’est lancés », dit Sophie.
« Etre avec lui, de favoriser l’échange »
Ce choix exige une grande organisation : « Il fallait trouver 40 bénévoles, pour jouer avec Luigi
six heures par jour, toute la semaine, poursuit-elle. Chaque “séance”, dans la salle de jeux,
durait une heure et demie, autour d’une balançoire, d’un petit trampoline, d’un miroir et de jouets
trouvés dans des brocantes. » Formés par l’association, les bénévoles avaient surtout pour rôle
« de solliciter l’enfant mais sans le contraindre. Il s’agissait avant tout d’être avec lui, de favoriser
l’échange », décrit Sophie, qui pour la première fois reprend espoir.
La directrice de l’école, des voisins, des amis acceptent d’aider Luigi. « Au bout d’une heure de
jeux, on en retrouvait certains hilares, à jouer par terre, les cheveux ébouriffés ! », s’amuse
Sophie. Quant à Luigi, il commence à sortir de sa bulle. « Il s’est mis à nous regarder, à sourire.
Un jour, en rentrant à la maison, il a dit : “Je suis là !” C’était majeur : cela voulait dire qu’il se
sentait exister. »
« 24 heures sur 24, le jour, la nuit »
Cette prise en charge a duré quatre ans, jusqu’à l’entrée à l’école à 6 ans. Quatre ans sans répit
pour Sophie, qui dit « avoir puisé jusqu’à la moindre petite parcelle d’énergie » trouvée en elle.
S’occuper des bénévoles, bien sûr, mais aussi se battre pour que Luigi soit scolarisé, répondre
aux exigences du Cned, tout en s’occupant de ses deux autres enfants, de la maison… « Ce qui
est difficile avec cette maladie, c’est que c’est 24 heures sur 24, le jour, la nuit – pendant
trois ans, je n’ai quasiment pas dormi… On risque parfois de se perdre soi-même. »
Le chemin est encore long : Luigi reste un enfant différent et rien n’est totalement acquis, Sophie
Colonna le sait. Pour Caroline, la répétitrice de français, son parcours ouvre néanmoins
d’immenses espoirs. « En un an, je l’ai vu progresser, devenir plus autonome, constate
l’institutrice. La grande force de sa mère, c’est de chercher sans cesse, de n’être jamais figée.
Sophie voit d’abord son enfant, pas le handicap, et elle ose. »
Depuis quelques mois, le garçon est inscrit à un cours de tir, comme son frère. Lors de la
dernière compétition, il a gagné une médaille de bronze.
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La stimulation de Myriam Szejer
« Lorsque le diagnostic a été posé dans un grand hôpital parisien, sans réelle issue
pour nous, j’ai décidé d’aller voir la pédopsychiatre et psychanalyste Myriam Szejer,
raconte Sophie Colonna. Luigi venait d’avoir 2 ans. Cette femme, qui s’intéressait au “langage”
des tout-petits, m’inspirait confiance. Elle m’a orientée vers des médecins
spécialistes de l’autisme, tout en me disant une chose qui ne m’a plus quittée : il faut agir vite car
tout ce qui est fait pour aider l’enfant lorsqu’il est en bas âge compte dix. »
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Alexandra
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MERCI pour ce petit bout d histoire/espoir ….
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