Chapitre 1
Premier enfant 3i
Catherine de La Presle, fondatrice de A.E.V.E, nous raconte son histoire
En 2004, à trois ans, mon petit fils était coupé de nous, totalement absent, impassible. Je l’appelais souvent et il ne se retournait pas comme s’il ne m’entendait pas, ce que sembla contredire un test d’audition. Si je parlais fort, il jetait les objets par terre ou se tapait la tête contre les murs ; il ne nous imitait pas, il ne parlait pas et ses bizarreries chaque jour s’amplifiaient, il était de plus en plus impénétrable. Il s’enfermait dans les objets, battait des mains ou riait sans raison, fuyant tout regard. Les fermetures de portes et d’interrupteurs, les tambours de machines qui tournaient, le fascinaient des heures entières.
Quand je le posais certains jours à la garderie, il prenait toujours le même camion pour en ouvrir et fermer les portes, et le soir, je le retrouvais avec le même petit camion sans avoir regardé quiconque. Je n’étais ni médecin ni professionnelle, simplement une grand-mère attentive et cherchais depuis sa naissance les causes de ces bizarreries que j’attribuais à sa timidité, et de son retard verbal, que je pensais du, comme l’affirma son pédiatre au fait que les garçons sont souvent plus lents à parler. Sa maman alertée par la garderie à deux ans et demi, consulta un pédopsychiatre qui lui dit : ’’Vous devez vous en occuper davantage, Madame ‘’. L’évidence s’imposa pour moi, on accusait sa maman : il était autiste !
Je plonge dans les écrits sur l’autisme: Les statistiques annoncent - Quatre garçons pour une fille autiste. La thèse de Bettelheim dominant en 2004 en France qui accusait les mamans « réfrigérateurs », responsables de l’autisme de leur enfant élevé sans affection, me parut peu plausible et la réfutais : Les mamans aiment elles mieux les filles ? … Retard mental ? Je ne le voyais pas car, comme tous ces enfants TSA, il paraissait intelligent et observateur dans ses obsessions, et bon stratège pour les retrouver. Que faire alors ? Je m’informais sur tout ce qui lui était proposé : le suivi en CMP, l’hôpital de jour où sans doute il commencerait et finirait sa vie sans sortir de sa forteresse de plus en plus murée. En France en 2004, aucune prise en charge autre que psychologique n’était proposée. Orthophonistes et psychomotriciens n’étaient pas formés à l’autisme dans leur cursus étudiant.
Décidée à me battre, je lisais la littérature médicale sur l’autisme bien pessimiste sur l’avenir de ces enfants condamnés à vivre enfermés dans leur prison intérieure « forteresse vide ». Je ne gardai qu’un seul livre, « l’exploration de l’Autisme » du Professeur Gilbert Lelord qui après quarante ans de recherche sur l’autisme affirmait « l’autisme, ce n’est pas les mamans, c’est le cerveau ». Après avoir recherché des moyens d’agir, il vantait les bienfaits du jeu, inspiré par le livre « Le miracle de l’amour » (qu’il me dédicacera lors de notre première rencontre) récit de l’éveil par le jeu « SON RISE » d’un jeune autiste américain de trois ans en 1976, par ses parents psychothérapeutes. Cette approche sera le point de départ comme il me l’expliqua, de la « thérapie Echange et développement » en 1980 puis des 3i, vingt- cinq ans après.
Les parents de Stanislas, convaincus que le jeu individuel, qui n’est pas un médicament, ne pouvait lui faire que du bien, m’ont missionnée avec son autre grand-mère pour découvrir l’approche ‘’Son Rise ‘’aux Etats Unis. J’y suis partie, pour apprendre. Mus par l’espoir, toute la famille se mobilisa et aménagea aussitôt une petite salle de jeu où il resta près de quatre ans : deux ans à plein temps, de son lever à son coucher, en dehors de la promenade quotidienne à midi et le soir, sept jours sur sept. Puis deux ans à mi-temps partagé avec l’école sans aucune aide et « incognito » dès qu’il sut parler, poser des questions, dessiner un bonhomme, signe qu’il nous voyait et était entré dans la symbolique de l’image.
Avec une équipe de trente joueurs bénévoles motivés, enthousiastes qui se sont relayés dans sa salle de jeu sept jours sur sept, il est sorti peu à peu de son silence. Sans savoir où nous allions, chaque jour les petits progrès en contact et développement :
Il entre à l’école tous les matins, à mi-temps, sans auxiliaire (A.V.S) et sans que personne ne sache ‘son autisme’.
Il devient de plus en plus autonome : propreté, habillage, obéissance aux consignes. Il mange enfin du solide. Au théâtre de Guignol, il rit et applaudit comme les autres.
Bref, il est un enfant presque comme les autres.
Trois mois pour obtenir une seconde de regard, un an pour le premier mot puis les mots jaillirent puis les questions comme s’il voulait tout « rattraper » (il sut lire à cinq ans) et tout connaitre de notre monde.
Tout n’était pas réglé à cinq ans : C’est peu à peu que diminuèrent ses problèmes d’hyper ou hypo- sensibilité sensorielle qui le gênaient pour se nourrir ou aller dans des endroits bruyants et engendraient des petites stéréotypies gestuelles quand on ne le regardait pas. L’ISM (Intégration Sensori-Motrice-Cf 2.1.5.1), pratiquée à l’âge de neuf ans pendant dix-huit mois, par l’intégration de réflexes archaïques encore présents résoudra ces problèmes de nature sensorielle.