Etude Retrospective 120 patients autistes publié 2019 revue l’ Evolution Psychiatrique
Evaluation de l’efficacité de la méthode des 3i à partir d’une étude rétrospective d’archives sur 120 enfants porteurs de troubles du spectre autistique.
Claire Favrot-Meunier1, Yann Saint-Georges Chaumet2, Catherine Saint-Georges3
1 Regional Psychiatric Center for Child and Adolescent with Deafness, Paris’ 1st intersecteur, 64 rue de la glacière 75013 France, Paris
2 Bioredac, 97 grande rue, 78240 Chambourcy, France
3 Department of Child and Adolescent Psychiatry, Hôpital de la Pitie-Salpêtriere, University Pierre and Marie Curie, 75013 Paris
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Résumé
But de l’étude : L’objectif principal de cette étude rétrospective est d’évaluer l’évolution des compétences, dans les domaines de la communication et de la relation, d’un groupe d’enfants diagnostiqués avec trouble du spectre autistique, et pris en charge par la méthode des 3I pendant 2 ans.
Méthode : 120 dossiers d’enfants ayant débuté la méthode 3I et ayant poursuivi cette méthode pendant 24 mois ont été inclus dans cette étude. Un score de 1 à 3 dans une échelle d’acquisition de compétences (1 : compétence non acquise, 2 : compétence partiellement acquise, 3 compétence acquise) a été attribué à chaque sujet pour chacun des six indicateurs choisis (Imitation, Qualité du regard, Régulation sociale et émotionnelle, Expression verbale, Expression non verbale et Compréhension verbale). Les scores initiaux au début de la méthode 3I sont comparés aux scores finaux 24 mois après le début de celle-ci.
Résultats : L’analyse statistique montre que pour chaque indicateur le groupe de patients a significativement progressé au cours des 24 mois de méthode 3I. En moyenne, les sujets acquièrent un stade supérieur de compétences dans 4 domaines de compétences sur 6. On observe une progression plus grande des compétences dans les domaines de l’imitation et de la communication non verbale.
Conclusion : Ce résultat suggère que les handicaps liés aux troubles du spectre autistique diminuent au cours de la prise en charge 3I. Celle-ci pourrait permettre aux sujets traités de réduire l’intensité de leur syndrome autistique et d’améliorer leurs capacités d’interaction avec l’environnement.
Introduction
Les troubles du spectre autistique sont des troubles neurodéveloppementaux qui se manifestent par une altération précoce (avant 3 ans) des compétences socio-communicatives, accompagnée d’un ensemble d’intérêts restreints et/ou de comportements stéréotypés répétitifs 1. Fait nouveau, le DSM V a ajouté dans les critères diagnostiques des manifestations comportementales, les troubles des intégrations sensorielles, dont l’importance dans la genèse des troubles du spectre autistiques est maintenant reconnue2–4.
Quoique l’existence de facteurs génétiques et neurodéveloppementaux soit actuellement bien établie, la physiopathologie des troubles du spectre autistique reste complexe, diverse et insuffisamment élucidée. Beaucoup d’efforts de recherche sont réalisés pour mieux connaître les signes précurseurs en vue d’avancer l’âge du diagnostic pour permettre une intervention la plus précoce possible. Cependant, en l’absence d’une cause univoque bien établie, les divers traitements proposés ne peuvent être que symptomatiques. Aucune méthode ne peut aujourd’hui se prévaloir d’une efficacité absolue et les recherches thérapeutiques doivent se poursuivre.
Les approches comportementales et éducatives :
Au niveau thérapeutique, les méthodes comportementales (ABA) ont été parmi les premières à être validées5 et sont largement utilisées dans le monde. Elles sont basées sur des stratégies comportementales visant à modifier des symptômes-cibles après analyse du comportement6,7. Ces méthodes se sont progressivement enrichies avec le temps afin de s’adapter à un public plus jeune. En 2012, Kasari a montré l’intérêt d’une approche ciblant le jeu symbolique et l’attention conjointe8. Les méthodes éducatives sont aussi largement utilisées dans plusieurs pays depuis un certain nombre d’années9. Ainsi, le programme TEACCH propose de structurer l’environnement et l’enseignement en fonction des besoins de l’enfant pour faciliter les apprentissages, en tenant compte des attentes de la famille 10.
Les approches institutionnelles et approches intégratives :
En France, les structures de soins proposent souvent des approches institutionnelles visant à développer les compétences relationnelles à travers diverses activités et médiations thérapeutiques, en groupe ou en individuel 11. Aujourd’hui ces approches sont de plus en plus associées à des outils structurés (repères visuels, organisation spatio-temporelle, communication augmentative) dans une perspective intégrative. La revue de littérature de Baghdadli12 souligne la diversité des pratiques en France mais aussi le manque de données publiées sur l’efficacité de ces stratégies institutionnelles. Une étude multicentrique française en cours évalue l’efficacité d’une pédagogie structurée intensive individuelle intégrée à une prise en charge institutionnelle13.
Les approches développementales par le jeu :
Avant même que la perspective développementale ne soit appliquée à l’autisme, certaines approches ont tenté une stimulation par le jeu. La méthode d’éveil par le jeu, dite « Son-Rise »14,15 a montré une efficacité à l’issue de 5 jours de traitement intensif sur 6 enfants16. D’autres interventions basées sur le jeu ont été proposées en conceptualisant les relations entre jeu et développement de l’enfant, comme le Floortime17,18, ou en France, la « Thérapie d’Echange et de Développement »19, élaborée dans les années 1990 par l’équipe du Pr Lelord (Tours). La méthode Braintraining20 associe du temps de jeu dirigé, avec du matériel référé au stade développemental du jeu de l’enfant, et des activités multisensorielles visant à augmenter le niveau d’intégration multimodale de l’enfant, car les difficultés d’intégration sensorielles limiteraient le développement des structures cognitives plus élaborées.
Le Early Start Denver Model (ESDM)
Depuis quelques années, la méthode ESDM, associant jeu et approche comportementale, a suscité beaucoup d’intérêt. En effet, une étude scientifique américaine, sur 50 enfants traités par cette méthode a montré une amélioration intéressante et aussi qu’une certaine normalisation du fonctionnement cérébral serait possible21,22. Depuis diverses études ont été développées, y compris, récemment, chez des bébés de 7 à 15 mois23. Ainsi, l’idée de pouvoir relancer un processus développemental chez des enfants porteurs de troubles du spectre autistique, progresse dans la littérature et intéresse les chercheurs. Certains thérapeutes comportementalistes ont ainsi tenté une stimulation des compétences relationnelles de bébés en utilisant les jeux et activités préférés des enfants24, et ont montré une amélioration durable des interactions sociales (affect positif, contact visuel, réponse au prénom).
Approches prenant en compte les spécificités sensorielles :
Plusieurs équipes se sont intéressées à la prise en compte des particularités et anomalies du traitement des informations sensorielles dans les troubles autistiques (25,26). Il a en particulier été démontré que les réponses neurologiques aux expressions faciales émotionnelles sont affectées chez l’enfant souffrant de troubles autistiques (26). La mise en place de protocole comme Ayres Sensory Integration® (ASI) et les interventions sensorielles dans le cadre de l’ergothérapie pour les personnes atteintes de troubles du spectre autistique n’ont cependant pas permis de montrer clairement une amélioration dans la vie quotidienne des patients (27,28). Néanmoins, la projection au ralenti de mouvements faciaux et des sons vocaux améliore la reconnaissance de l’expression faciale et induit l’imitation faciale-vocale chez les enfants atteints de troubles autistiques (4). Woo et coll ont par ailleurs montré dans une étude randomisée29,30 qu’une approche enseignant aux parents comment enrichir l’environnement sensori-moteur pour leurs enfants autistes à l’aide d’exercices quotidiens et adaptés, permettait une diminution significative de la sévérité de l’autisme. Ces résultats suggèrent que les thérapies sensorielles pourraient apporter une amélioration de la symptomatologie de l’autisme.
Quelles sont les recommandations de la littérature ?
Au-delà de l’évaluation de chaque méthode particulière, il existe des facteurs spécifiques d’efficacité qui peuvent être plus ou moins pris en compte dans toutes les méthodes. Le rapport de Baghdadli (2007) souligne des éléments qui dans la littérature font consensus (31). Il s’agit tout d’abord de la précocité des interventions, de leur caractère individualisé et structuré mais aussi de leur construction sur des objectifs hiérarchisés et spécifiques reposant sur une évaluation fonctionnelle et, enfin, sur des actions étendues aux différents milieux de vie des personnes pour favoriser la généralisation de leurs acquisitions. Enfin, un partenariat avec les familles apparaît indispensable en les plaçant dans une position de participation active à l’éducation spéciale de leur enfant32. Les recommandations de la Haute Autorité de Santé (2012) 33 soulignent la nécessité de mieux évaluer les besoins et ressources individuels de l’enfant et de sa famille, dans chacun des domaines de fonctionnement habituellement touchés, en vue de proposer un projet personnalisé d’interventions coordonnées considérées pertinentes pour répondre à ces besoins. Les recommandations insistent particulièrement sur la participation active des parents mais aussi l’importance d’obtenir l’adhésion de l’enfant au programme de soins et de prise en charge. Le rapport de la HAS souligne qu’aujourd’hui certains programmes comportementaux eux-mêmes insistent sur l’intérêt de partir des motivations de l’enfant. Dans une revue de littérature évaluant les approches thérapeutiques des troubles autistiques, Narzisi conclue en soulignant l’importance des éléments suivants32 :
- débuter la prise en charge aussi précocement que possible ;
- diminuer le délai entre le diagnostic et le traitement ;
- proposer pas moins de 3 ou 4 heures de traitement quotidien ;
- être centré sur l’engagement de la famille ;
- réévaluer et mettre à jour tous les six mois les objectifs du traitement;
- choisir entre un traitement développemental ou comportemental en fonction de la réponse de l’enfant ;
- encourager la communication spontanée ;
- promouvoir les compétences grâce au jeu avec des pairs ;
- consolider les nouvelles compétences et leur généralisation dans un contexte naturel pour l’enfant ;
- L’implication des parents dans le traitement apparaît aujourd’hui comme un facteur reconnu d’efficacité, tant dans les recommandations que dans la littérature. Par exemple, une étude française sur 25 enfants pendant 20 mois (34) a montré l’efficacité d’une méthode intensive à domicile impliquant la famille, les enfants progressant en 20 mois de 6 à 25 points dans leur quotient développemental. De même, une étude australienne contrôlée randomisée a montré que l’implication des parents dans les soins grâce à un travail spécifique à domicile favorise l’efficacité du traitement (32,35).
Dans cet article, nous décrivons une méthode développementale, Individuelle, Intensive, et Interactive (méthode des 3i). Basée sur le jeu, elle intègre les spécificités sensorielles des enfants porteurs de troubles autistiques, et met à contribution les parents qui coordonnent la prise en charge.
Les principes théoriques de la méthode 3I
Une méthode développementale par le jeu :
La technique de stimulation intensive 3I utilise certaines modalités bien connues dans l’autisme (32,36): respect du rythme, du niveau de développement et des intérêts de l’enfant, abord « un pour un » qui favorise l’adaptation de l’intervenant à l’enfant, implication des parents qui favorise la généralisation… Le paramètre le plus important de la méthode est la dimension ludique. Les psychologues du développement (37) ont montré depuis longtemps l’importance du jeu libre chez l’enfant, dans le développement de sa pensée et son intelligence. Le jeu spontané constitue ici le moyen d’échange principal avec l’enfant. Le principe est de suivre l’enfant dans son jeu, de le partager pour créer une véritable interaction avec lui, à travers l’attention partagée et le plaisir. Il s’agit de s’émerveiller avec l’enfant de ce qu’il amène, afin de favoriser les conditions d’une rencontre socio-affective. Le but est qu’il découvre le plaisir d’échanger et de partager ses propres expériences, à partir du point où il en est. L’imitation constitue un autre outil important utilisé pour entrer en contact avec l’enfant, selon les travaux scientifiques de Nadel (38), l’adulte commençant par imiter l’enfant dans ses jeux même les plus simples.
Un cadre protégé avec une structuration temporo-spatiale, prenant en compte les particularités de traitement sensoriel des enfants autistes. L’environnement doit être protégé et le plus fiable possible (à peu près prévisible) pour l’enfant : mise en place d’un emploi du temps avec photos des bénévoles, régularité horaire, cahier d’observation entre les bénévoles et les parents. L’aménagement individualisé dans un lieu dédié, calme, repéré, soustrait aux stimulations sociales et sensorielles vécues comme excessives, permet à l’enfant de s’ouvrir et de s’épanouir progressivement, respectant son rythme propre et ce qu’il est capable de supporter.
Dans cet article, nous décrivons une méthode développementale, Individuelle, Intensive, et Interactive (méthode des 3i). Basée sur le jeu, elle intègre les spécificités sensorielles des enfants porteurs de troubles autistiques, et met à contribution les parents qui coordonnent la prise en charge.
Les principes théoriques de la méthode 3I
Une méthode développementale par le jeu :
La technique de stimulation intensive 3I utilise certaines modalités bien connues dans l’autisme (32,36): respect du rythme, du niveau de développement et des intérêts de l’enfant, abord « un pour un » qui favorise l’adaptation de l’intervenant à l’enfant, implication des parents qui favorise la généralisation… Le paramètre le plus important de la méthode est la dimension ludique. Les psychologues du développement (37) ont montré depuis longtemps l’importance du jeu libre chez l’enfant, dans le développement de sa pensée et son intelligence. Le jeu spontané constitue ici le moyen d’échange principal avec l’enfant. Le principe est de suivre l’enfant dans son jeu, de le partager pour créer une véritable interaction avec lui, à travers l’attention partagée et le plaisir. Il s’agit de s’émerveiller avec l’enfant de ce qu’il amène, afin de favoriser les conditions d’une rencontre socio-affective. Le but est qu’il découvre le plaisir d’échanger et de partager ses propres expériences, à partir du point où il en est. L’imitation constitue un autre outil important utilisé pour entrer en contact avec l’enfant, selon les travaux scientifiques de Nadel (38), l’adulte commençant par imiter l’enfant dans ses jeux même les plus simples.
Un cadre protégé avec une structuration temporo-spatiale, prenant en compte les particularités de traitement sensoriel des enfants autistes. L’environnement doit être protégé et le plus fiable possible (à peu près prévisible) pour l’enfant : mise en place d’un emploi du temps avec photos des bénévoles, régularité horaire, cahier d’observation entre les bénévoles et les parents. L’aménagement individualisé dans un lieu dédié, calme, repéré, soustrait aux stimulations sociales et sensorielles vécues comme excessives, permet à l’enfant de s’ouvrir et de s’épanouir progressivement, respectant son rythme propre et ce qu’il est capable de supporter.
Enfin, les besoins et spécificités neurosensoriels notamment vestibulaires (Bullinger 2006, Kloeckner 2009) sont pris en compte (comme dans la méthode Braintraining). Par exemple une stimulation vestibulaire peut provisoirement être nécessaire à l’enfant (jeux de balançoire, trampoline, portages si possible) favorisant la rencontre et l’organisation corporelle, ou des jeux sensoriels qui constituent le premier niveau de jeu. De même on préconise une lenteur dans les interactions et la communication pour s’adapter aux spécificités sensorielles des enfants autistes (4).
La salle de jeu spécifique reste le lieu de prise en charge de l’enfant, jusqu’à l’atteinte d’un certain stade développemental, lorsque l’enfant devient en mesure d’organiser les perceptions, de filtrer les stimuli non pertinents pour la relation. La « trêve scolaire » et les conditions environnementales très stables et adaptées permettent de soustraire l’enfant à une surcharge d’informations sensorielles, émotionnelles et sociales et de le protéger d’un envahissement (39) potentiellement source de retraits relationnels, de désorganisations et d’une grande fatigabilité. On observe en effet une diminution nette des troubles du comportement, et des stéréotypies liées aux effets de la surcharge sensorielle. Dès que l’enfant reprend un certain niveau de développement, les sorties et la re-scolarisation sont envisagées.
Un cadre familial et un caractère intensif :
Dans la méthode 3i, l’équipe est constituée de volontaires, non professionnels et leur nombre important constitue un atout, pour plusieurs raisons. D’une part dans le cadre d’une méthode basée sur le jeu, où il s’agit d’abord de s’adapter au niveau de l’enfant et de faire preuve de créativité, cela permet à des non-professionnels de ne pas être épuisés par les comportements déroutants de l’enfant, de rester créatifs et à sa disposition. Cette disponibilité psychique pourrait être un facteur puissant pour prévenir les effets de retrait qui peuvent s’observer lorsque l’enfant perçoit les affects et les mouvements de découragement de l’adulte. D’autre part il s’agit d’un cadre écologique car l’équipe est constituée par quelques proches familiaux (parents et grand-parents) et surtout des bénévoles choisis par les parents par cooptation dans leur milieu de vie proche, leur entourage. Ceci permet à l’enfant de s’insérer dans son cadre de vie social et culturel (par exemple des parents de confession religieuse pourront recruter dans leur lieu de culte, des artistes dans leur milieu artistique, des parents non français dans leur communauté culturelle d’origine), favorisant son insertion, sa reconnaissance dans une communauté. Par ailleurs cette équipe assez diversifiée en âge et sexe (grands-parents, jeunes adultes, hommes et femmes) correspond à la population que l’enfant sera amené à rencontrer dans la vie ordinaire. Le groupe des intervenants représente ainsi une première expérience sociale positive et chaleureuse, permettant à l’enfant de se socialiser progressivement dans un cadre de vie rassurant (friendly). Les adultes qui se proposent et bénéficient d’une supervision régulière, sont capables de s’adapter et de se mettre au niveau de l’enfant ce qui permet une rencontre de l’enfant avec des personnes. Cette configuration est différente de celle qui consiste à faire rencontrer à l’enfant des pairs. En effet les pairs imposés à l’enfant dans le cadre de l’école ou d’une institution trop souvent ne sont pas capables de s’adapter à l’enfant, à sa situation de handicap, lorsque ses troubles sont encore trop importants. L’enfant peut en souffrir et ne pas parvenir à interagir avec eux malgré son souhait profond.
Nous présentons ici une étude rétrospective de l’évolution de 120 enfants suivis pendant 2 ans par cette méthode.
Méthode : Description de la méthode 3I
La méthode 3 I est une méthode développementale dérivée de la méthode Son-Rise et proche de la thérapie d’échange et de développement (TED) pour le traitement des troubles autistiques 16,19,40. Cette méthode vise à aider l’enfant à progresser le long d’un chemin de développement en reprenant successivement toutes les étapes qui ont été affectées par le syndrome autistique, et en s’appuyant sur un suivi individualisé de chaque enfant. L’approche 3i est une approche globale qui fondée sur le jeu et la relation enfant/adulte. L’intervention 3I est dispensée durant la journée par les parents et des intervenants extérieures, volontaires, préalablement sélectionnés, formés et encadrés par l’association Association Autisme Espoir vers l’Ecole (AEVE) qui est à l’origine de la méthode. Chaque intervenant participe ensuite chaque mois à une réunion de groupe avec les autres volontaires, ainsi que les parents, sous la supervision d’un psychologue formé à la méthode, afin d’ajuster les propositions aux évolutions de l’enfant.
La salle de jeu dans laquelle l’intervention 3i a lieu est adaptée aux spécificités sensorielles de l’enfant. La taille recommandée de la salle de jeu est d’environ 10 m², offrant ainsi à l’enfant un espace avec des frontières visibles. L’éclairage doit être atténué et les sons sont étouffés avec un revêtement de sol approprié. L’équipement de la salle comprend des étagères, hors de portée de l’enfant où des objets visibles par l’enfant seront stockés, un miroir, une balançoire et d’autres objets utilisés pour acquérir une perception physique de soi-même.
L’intervention 3i est organisée en trois phases, selon l’âge développemental de l’enfant. Pendant la phase 1 (âge développemental de 0 à 18 mois), l’intervention se concentrera sur des jeux et des échanges sensoriels simples, sans avoir recours à de nombreux objets. L’objectif de cette phase est d’aider l’enfant à découvrir son corps et l’existence distincte d’une autre personne. Au cours de la phase 2 (18 à 36 mois), l’attention de l’enfant sera tournée vers le monde à l’extérieur de la salle de jeux. Un langage significatif émerge et l’enfant aura accès à un jeu symbolique. Le désir d’apprendre de manière consciente par l’enfant apparaît en phase 3 (âge développemental supérieur à 36 mois) et permet l’introduction progressive dans un établissement scolaire normal, l’enfant ayant de vraies compétences pour apprendre et être en relation avec ses pairs, en apparaissant donc comme un enfant peu ou pas « handicapé ».
Inclusion des dossiers
Dans cette étude rétrospective, les critères d’inclusion étaient :
- avoir suivi la méthode 3I pendant au moins 24 mois (N=101) ou avoir atteint la phase 3 pendant cette période et être graduellement intégré dans un cursus scolaire (N=19)
- de façon suffisamment rigoureuse et intensive (30h par semaine) et que le dossier soit correctement renseigné (pour permettre une analyse des marqueurs choisis)
120 patients correspondent à ces critères dont 19 ont atteint la phase 3 avant 24 mois du fait d’une évolution plus rapide de leurs compétences. Entre octobre 2006 et mars 2012 (date de début de l’étude), 302 enfants ont débuté un suivi au sein de l’association AEVE (Figure 1). Parmi ces 302 enfants, ont été exclus les enfants dont les comptes-rendus étaient incomplets (N= 6), ceux qui n’avaient pas suivi la méthode au moins 30h par semaine (enfants exclus : N= 21), et ceux qui totalisaient moins de 24 mois de méthode à la date du 1er Mars 2012, soit parce qu’ils avaient commencé après le 1er Mars 2010 (N= 127), soit parce qu’ils avaient arrêté la méthode avant 24 mois (N=28). Parmi ces 28 enfants, on compte 6 arrêts très précoce au cours du 1er mois, et 22 arrêts pour raisons familiales, de santé, d’évolution insuffisante, de difficultés de la méthode dû au manque d’intervenants bénévoles, difficulté d’organisation, coût de la psychologue.
La majorité des diagnostics retrouvés dans les dossiers ont été renseignés par les parents. Toutefois, quand cela était possible, nous avons tenté de confirmer ces diagnostics en récupérant les documents médicaux (établis par les Centres de référence autisme ou les CMP) qui les authentifiaient (environ 2/3 des cas). 14 dossiers ne contiennent pas de diagnostic formel mais les scores obtenus à T0 à la grille d’évaluation (en particulier dans les domaines de communication verbale, non-verbale, compréhension, regard) confirment clairement la présence de troubles du spectre autistique (dont l’intensité a justifié que les parents s’engagent dans cette méthode assez contraignante). Le groupe étudié (120 dossiers) est constitué majoritairement d’enfants avec un diagnostic d’autisme infantile (tableau 1).
Evaluation des compétences
Dans cette étude rétrospective, l’efficacité de la méthode des 3i a été évaluée en se basant sur les compte-rendu du bilan mensuel. Une grille d’évaluation a été conçue pour cette étude autour des domaines de compétences habituellement perturbés dans l’autisme (interaction et communication) en tenant compte des informations généralement présentes dans les compte-rendu mensuels d’évolution de chaque enfant (tableau 2). 6 critères ou items ont ainsi été choisis :
imitation, qualité du regard, régulation sociale et émotionnelle, expression verbale, expression non verbale, compréhension verbale. Pour chacun des items, 3 stades ont été définis. Le niveau 1 représente le stade d’absence de la compétence concernée, le niveau 3, le stade de développement complet. Les items et les stades de compétences sont décrits dans le tableau 2.
Le premier item « Imitation (vocale et gestuelle) » correspond à la capacité de l’enfant à reproduire, lorsque l’on le lui demande ou en spontané, des mots et des phrases, des gestes simples ou complexes, ou encore des actions avec des objets. Le second item “Qualité du regard” permet d’évaluer l’attention visuelle de l’enfant lorsqu’il y a une interaction sociale avec quelqu’un (regard direct et attention conjointe). Le 3ème item « Régulation Socio-Emotionnelle » prend en compte la recherche d’interaction avec l’adulte, incluant la recherche de contact, toutes les « demandes » de jeux, telles que toucher longuement le visage des bénévoles, la quête de consolation ou de câlins, etc…La régulation émotionnelle prend en compte la capacité de répondre émotionnellement de façon adaptée à l’autre (comportements de consolation de l’adulte, d’humour adapté, d’intérêt pour ses sentiments), les attitudes émotionnellement adaptées à la situation et les réponses aux frustrations. Le 4ème item « Expression verbale » évalue la capacité de l’enfant à s’exprimer oralement : son aptitude à produire des sons, des mots et des phrases. Le 5ème item « Communication non verbale » permet d’évaluer la capacité de l’enfant à utiliser le pointage et des gestes sociaux pour communiquer. Le 6ème item « Compréhension Verbale » permet d’évaluer la capacité de l’enfant à comprendre et à répondre de façon adaptée aux consignes et aux ordres.
Chaque dossier est évalué avec cette grille, au départ (T0) de la méthode et 24 mois après (T24). Les cotations ont été faites, pour chaque enfant à partir du 1er compte-rendu mensuel rédigé par la psychologue qui supervise la prise en charge, entre 1 et 3 mois après le démarrage de la méthode, et du compte-rendu rédigé 2 ans après le premier compte-rendu (24 mois ± 1 mois). Pour chaque dossier, la cotation a été faite une première fois par une psychologue indépendante chargée de l’étude, puis revue successivement par 2 autres psychologues extérieures à AEVE. Une comparaison de ces cotations suggère une bonne reproductibilité de la cotation par les 3 différents psychologues.
Analyse statistique
Le nombre et le pourcentage d’enfant à chaque stade des six items étudiés à l’instauration du traitement (T0) et environ 24 mois après le premier compte-rendu (T24) ont été comparés et analysés par un test de Chi2 d’indépendance.
Pour chaque item un score groupal a été calculé à T0 et T24 sur la base du nombre de patient dans chaque stade. Score groupal =(Nombre de patient stade 1×0) + (Nombre de patient stade 2×1)+ (Nombre de patient stade 3×2). Ce score permet une représentation graphique de l’évolution des enfants au cours de la méthode 3I (Figure 3).
Résultats
Les sujets passent majoritairement au stade supérieur après 24 mois de méthode 3I
Si on additionne les progrès observés dans les six domaines, les sujets acquièrent en moyenne 4 stades au bout de 24 mois de méthode 3I (Figure 2A). Seuls deux sujets sur 120 n’ont progressé dans aucun des domaines évalués. Un seul sujet est descendu du stade 3 vers le stade 2. Aucun sujet n’est descendu du stade 2 vers le stade 1. Le tableau de la figure 2B montre que, tous domaines confondus, dans 76% des cas, un sujet au stade 1 va progresser au stade 2 après 24 mois de méthode 3I. En revanche un sujet au stade 2 reste au stade 2 dans 54% des cas et progresse vers le stade 3 dans 46% des cas. Ceci illustre qu’il semble plus aisé de progresser vers le stade 2 que vers le stade 3 après 24 mois de méthode 3I. Le nombre d’item acquis n’est pas corrélé à l’âge du patient au début de la méthode (test de nullité de corrélation de Pearson, p-value= 0,277). En résumé, les ¾ des sujets de l’étude classés en stade 1 au début de la méthode 3I progressent au stade supérieur, et un peu moins de la moitié des sujets classés au stade 2 progressent vers le stade 3.
Pour chaque item, la répartition des 120 sujets dans chaque stade, à T0 et à T24, est présentée dans le tableau 2.
Imitation
Entre T0 et T24, le nombre de sujets qui n’imitent que rarement ou jamais (stade 1), passe de 56 à 6 et ils sont 76 à imiter de façon spontanée (stade 2) après 24 mois contre 59 au début. De la même façon, le nombre de patients qui imite à la demande (stade 3) progresse de 5 à 38 après 24 mois de méthode 3I. Ce changement catégoriel des sujets du stade 1 vers le stade 2 ou 3 et du stade 2 vers le stade 3 est significatif (p-value=1.188e-15). Ceci se traduit par une augmentation du score groupal d’imitation de 69 à 152 au terme de 24 mois de méthode 3I (Figure 3). En conclusion les sujets ont acquis des compétences en imitation au cours des 2 ans de suivi.
Qualité du regard
Tous les 32 sujets présentant un regard absent la majorité du temps (stade 1) au début de la méthode 3I ont un regard présent (stade 2) à la fin de la méthode 3I. Le nombre de sujets utilisant systématiquement le regard pour réguler les interaction sociales (stade 3) passe de 5 à 43 après 24 mois de méthode 3I. Ces changements de stade sont significatifs (p-value = 2.951e-14) et révèlent une progression globale des sujets en qualité du regard. Ceci se caractérise par une progression du score groupal de qualité du regard de 93 à 163 (Figure 3).
Régulation Socio-émotionnelle
Après 24 mois de méthode 3I, seulement un sujet reste insensible la majorité du temps à la présence de l’adulte (stade 1) contre 37 au début de la méthode. Le nombre de patients au stade 2 comme au stade 3 progresse au cours des 24 mois de méthode. Le changement catégoriel des sujets du stade 1 vers le stade 2 ou 3 et du stade 2 vers le stade 3 est significatif (p-value=3.193e-13). Le score groupal de régulation socio-émotionnelle passe de 86 à 150 (figure 3).
Communication non-Verbale
Le nombre de sujets qui n’utilisent ni le pointage ni une autre forme de communication non-verbale (stade 1) passe de 59 à 7 après 24 mois de méthode 3I. Les 52 autres sujets sont tous capable d’utiliser le pointage et au moins quelques gestes sociaux au cours de l’interaction avec l’adulte (stade 2) au bout de 24 mois. Le nombre de sujet capables d’utiliser plusieurs gestes sociaux dans la communication (stade 3) passe de 2 à 39. Ces changements catégoriels dans la répartition des stades sont significatifs (p-value = 2.2e-16). Enfin le score groupal de communication non-verbale passe de 63 à 152 (figure 3), illustrant la progression du groupe dans son ensemble en capacités de pointage et gestes sociaux.
Expression verbale
Au bout de 24 mois de méthode 3I, le nombre de sujets qui n’utilise pas le langage pour des fins de communication (stade 1) passe de 52 à 17. Au début de la méthode, seulement 18 sujets étaient capables d’utiliser des phrases d’au moins 3 mots (stade 3) contre 61 au bout de 24 mois. Ces changements catégoriels sont statistiquement significatifs et s’illustrent par un score groupal de communication verbale qui passe de 86 à 164 (figure 3) qui montre que les sujets ont globalement amélioré leurs capacités expressives.
Compréhension verbale
18 sujets sur 19 qui ne répondaient pas aux consignes et aux ordres (stade 1) au début de la méthode sont au minimum capable de répondre occasionnellement à leur prénom et aux ordres simples (stade 2) après 24 mois. Par ailleurs, après 24 mois de méthode 3I, le nombre de patients qui répondent systématiquement aux ordres et aux consignes (stade 3) passe de 18 à 61. Ces changements de stade au bout de 24 mois sont significatifs. Le score groupal de compréhension verbale passe de 109 à 175 (figure 3) ce qui montre que le groupe a globalement progressé en compréhension du langage.
Discussion
Portée des résultats :
Dans une petite étude prospective sur 20 sujets(41), nous avions montré une évolution positive des patients au cours des 2 ans de méthode 3i. Les résultats de cette nouvelle étude sur 2 ans, rétrospective mais sur 120 patients, confortent ceux de l’étude prospective.
En effet, au bout de 24 mois de méthode 3I, 118 patients sur 120 progressent dans au moins un des 6 domaines observés : imitation, qualité du regard, régulation socio-émotionnelle, communication non verbale, expression verbale, compréhension verbale. En moyenne, les sujets progressent substantiellement dans 4 domaines sur 6 en 2 ans.
Ces résultats suggèrent que la méthode 3I permet l’acquisition de compétences développementales-pivot chez des patients autistes. En effet, les domaines évalués, choisis au cœur de l’interaction, sont centraux pour le développement de la socialisation et de la communication, ce qui va ouvrir la voie à beaucoup d’autres acquisitions et favoriser l’accès à l’intersubjectivité. Par ailleurs, ces domaines sont essentiels pour la qualité des interactions quotidiennes et donc la qualité de vie de l’enfant et de la famille.
On observe que les sujets progressent plus facilement du stade 1 vers le stade 2 que du 2 vers le 3, ce qui peut s’expliquer par le fait que le stade 2 représente l’émergence de nouvelles compétences tandis que le stade 3 représente une consolidation et généralisation qui nécessiteraient sans doute une observation sur une durée plus longue.
On observe une progression plus grande dans les items de l’imitation et de la communication non verbale (+83 et 89 respectivement), tandis qu’on a une progression moins forte dans la compréhension verbale et les régulations socio-émotionnelles. Ceci n’est pas étonnant dans la mesure où imitation et communication non-verbale constituent des précurseurs de la communication verbale et de la régulation socio-émotionnelle, tandis que compréhension verbale et régulation socio-émotionnelle sont des compétences plus complexes qui s ‘ancrent sur les précédentes. De fait ce sont ces précurseurs qui sont préférentiellement utilisés par les intervenants pour entrer en contact avec l’enfant. Et ces formes de base de l’interaction sociale pourraient être mobilisables même chez une personne avec un autisme déjà ancien. En effet, comme dans notre étude prospective (Tilmont-Pittala) nous constatons dans cette étude que l’âge de début de la prise en charge ne constitue pas un facteur prédictif de l’évolution sur les domaines évalués, ce qui suggère que la méthode a une efficacité même chez des patients plus grands. Ces résultats confortent les travaux scientifiques de Nadel38 qui montrent que contrairement aux idées reçues, les compétences en imitation sont bien présentes chez les personnes autistes, à condition que l’on commence par les imiter, ce qui a une valeur d’échange et de marque d’intérêt pour ce qu’ils produisent. Nadel insiste aussi sur le rythme à respecter dans les séquences d’imitation. L’imitation est également un socle indispensable aux apprentissages (42).
De plus ces résultats sont concordants avec ceux de l’étude prospective (41), dans laquelle les enfants avaient significativement progressé dans quasiment tous les domaines étudiés, mais en particulier en socialisation (selon la Vineland) et en imitation (selon l’échelle d’imitation de Nadel).
Comment notre étude sur la méthode 3i (individuelle, interactive et intensive) s’inscrit-elle dans la littérature sur le traitement des troubles autistiques ?
La prise en compte Individualisée du niveau développemental et des besoins spécifiques de l’enfant est permise par la prise en charge individuelle en un pour un et l’attention portée sur le niveau de développement de l’enfant, à travers les réunions supervisées par les psychologues formés à la méthode 3i. Les travaux sur le modèle de Denver43 appuient l’idée de la pertinence d’une perspective développementale. Notre étude rétrospective de la méthode 3i sur un nombre important de patients (N=120), en cohérence avec notre étude précédente prospective 41, va dans la même direction.
Le support d’Interaction ludique :
D’autres études ont montré l’intérêt des méthodes interactives par le jeu, appuyées sur des conceptions développementales : Floortime18, SonRise16. Dans ces méthodes, le principe commun est de permettre à l’enfant de construire ses compétences expressives et interactives dans un cadre aménagé à travers des relations privilégiées et positives avec des adultes sensibles, réactifs et empathiques, avant de confronter l’enfant à des pairs. Cette situation d’interaction duelle primordiale semble fondamentale dans la construction des bases 17 interactives et sociales. Dans l’étude de Floortime, les 31 enfants qui ont reçu 14h hebdomadaire de jeu avec les parents ont progressé sur 1 an en compétences à l’échelle d’évaluation émotionnelle fonctionnelle (FEAS) et au questionnaire émotionnel développemental (FSDQ) et ont réduit de 3 points en moyenne leur score CARS. L’étude SonRise a montré les effets significatifs d’une semaine intensive (40h) de traitement sur 6 enfants (comparés à 6 enfants contrôle) sur des mesures d’interaction et de communication. Toutes ces études étayent l’idée de l’efficacité d’une stimulation par le jeu, adaptée au niveau développemental de l’enfant, et les résultats de notre étude vont dans ce sens.
Le support ludique, l’adaptation au niveau de développement de l’enfant et la structuration du cadre sont des aspects de la méthode 3i qui sont proches de la Thérapie d’Echange et de Développement19. Dans cette étude, l’évaluation de 35 enfants de 2 à 7 ans suivis en TED pendant 9 mois montrait une amélioration des compétences en imitation, attention conjointe et en interaction sociale (à la BECS), ainsi qu’une réduction des troubles de l’interaction et de la communication (à l’ECA-R). Quoique la moyenne d’âge, les échelles d’évaluation, et la durée d’observation diffèrent, ces résultats sont cohérents avec ceux de notre étude. Cependant alors que ces enfants suivis en TED à raison de quelques séances par semaine avaient parallèlement d’autres prises en charge (en hôpital de jour, à l’école…), le caractère intensif (au moins 30h/semaine) et le recours à une équipe de bénévoles au domicile sont des spécificités de la méthode 3i, d’où l’intérêt de notre étude, qui suggère que cette intervention ludique et développementale, mobilisant peu de professionnels, mais pratiquée de façon intensive, permettrait à elle seule à l’enfant de progresser dans les domaines-clés du développement.
Le caractère Intensif. L’intensivité du traitement (plusieurs heures par jour) est un des facteurs recommandés par Narzisi32 dans les conclusions de sa revue de littérature. Dans les méthodes comportementales ainsi que dans la méthode Denver, la nécessité de cette intensité est souvent soulignée. Une fois le syndrome autistique bien installé, la répétition des expériences interactives thérapeutiques pourrait être nécessaire pour que de nouveaux fonctionnements et circuits cérébraux puissent se développer, s’ancrer dans le quotidien, et prendre le pas sur les fonctionnements autistiques. Notre étude, comme celle de SonRise44, souligne qu’une méthode ludique peut aussi être pratiquée de façon intensive, avec des résultats encourageants.
L’implication des parents distingue l’approche 3i de la méthode SonRise ou de la Thérapie d’Echange et de Développement. Dans l’approche 3i, les parents recrutent les intervenants, les accueillent à leur domicile et coordonnent leurs actions, voire parfois participent eux-mêmes au planning des interventions. Ils sont donc partie prenante des soins et probablement amenés à ce titre à modifier leur compréhension de leur enfant et la qualité de leurs interactions quotidiennes avec leur celui-ci. Des études ont montré l’impact positif de la participation des parents au traitement (35,45–48), qui pourrait avoir pour effet d’étendre les effets bénéfiques du traitement au-delà du temps théoriquement imparti. Notre étude illustre une nouvelle fois l’intérêt de l’implication des parents.
Limites de l’étude :
La limite principale est l’absence de groupe contrôle, qui empêche de conclure formellement que l’amélioration observée est liée aux effets du traitement. Les questions éthiques rendent souvent compliquée la constitution d’un groupe contrôle ; de plus notre étude est établie sur des observations de réunions de coordination et supervision dans le cadre du suivi de la méthode, documents que nous ne pourrions avoir pour des enfants témoins. Cependant, une enquête indépendante a été réalisée en septembre 2017 par Médiamétrie auprès de 193 parents d’enfants ayant suivi la méthode pendant au moins 9 mois. La grande majorité des parents a constaté des progrès dans le regard (91%) et la présence (90%) de leur enfant dès les 3 premiers mois de méthode (et même « beaucoup de progrès » pour 48% des parents interrogés), ainsi que des progrès dans la communication (79% des parents). Malgré l’absence de groupe contrôle, ces résultats suggèrent que les progrès observés ne sont pas le simple fait d’une éventuelle progression spontanée des enfants mais plutôt que l’évolution positive observée coïncide avec le début de la méthode 3i.
D’autres limites sont dues au caractère rétrospectif de cette étude. Notamment les données analysées sont issues d’observations non standardisées (recueil des observations par les parents et les volontaires). En contrepartie, la grande connaissance que les informateurs ont de l’enfant (parents, équipe de bénévoles, psychologue ayant un suivi hebdomadaire) et la synthèse de tous ces regards en réunion, permet une forme d’objectivité ainsi qu’une grande richesse des observations. De plus la construction de novo d’une grille de cotation a permis de trier et d’homogénéiser ces observations cliniques. Et les cotations ont été effectuées par plusieurs juges dont les scores étaient concordants.
Une autre limite est due au fait que les diagnostics formels n‘ont pas toujours été retrouvés dans les dossiers. Toutefois les éléments cliniques dont on dispose confortent bien l’existence d’un trouble envahissant du développement (dont le diagnostic repose sur la clinique) et on peut postuler que les parents ne se seraient pas engagés dans cette méthode assez contraignante (arrêt de l’activité professionnelle d’un des parents, aménagement d’une salle de jeu spécifique, recrutement et encadrement d’une équipe de 30 à 40 bénévoles) si les troubles de l’enfant n’étaient pas sévères et évolutifs.
Enfin, on peut regretter que les comportements problèmes et l’amélioration de la qualité de vie quotidienne n’aient pas été analysés dans cette étude. Toutefois, l’enquête indépendante et anonyme de Médiamétrie auprès de 193 parents d’enfants ayant suivi la méthode pendant au moins 9 mois révèle qu’au bout d’un an de méthode, malgré que 2/3 des parents trouvent leur vie familiale compliquée à gérer (66%), et se sentent fatigués (62%), presque tous les parents ont constaté des progrès chez leur enfant en termes d’intérêt pour l’autre (93%) et de conscience (92%) ; 78% trouvent que leur enfant est apaisé et participe mieux à la vie familiale. De plus une très grande majorité des parents considèrent que la salle de jeu constitue pour leur enfant un lieu de bonheur et de sécurité (94%), essentiel pour ses progrès (95%), qu’il s’y montre présent (97%) et attaché à ses intervenants (98%). Ainsi, 96% des parents déclarent qu’ils recommanderaient la méthode à d’autres parents. Cette enquête conforte l’idée que les parents sont satisfaits de la méthode 3i et qu’ils ressentent qu’elle permet à leur enfant de progresser. Cet éclairage rétrospectif de la part des parents complète et étaie donc notre étude basée sur l’étude des dossiers.
Conclusion :
En concordance avec l’étude prospective, dans cette étude rétrospective quasiment tous les enfants traités ont progressé substantiellement en communication et socialisation, réduisant donc l’intensité de leur syndrome autistique. On peut faire l’hypothèse que certains paramètres de la méthode 3i ont permis ces progrès (écologie, généralisation, socialisation effective, spontanéité et richesse des interactions par le jeu permettant à l’enfant d’être moins handicapé et plus épanoui). Si l’absence de groupe témoin empêche de conclure formellement à l’effet direct de la méthode 3i sur les progrès constatés, le recueil du ressenti des parents sur la concomitance entre ces progrès et la mise en place de la méthode constitue un indice concordant. D’autres évaluations prospectives pourraient étudier la possibilité d’aménagements de la méthode, par exemple en dehors du contexte familial, mais en veillant à toujours impliquer les parents car cela semble constituer une condition de réussite importante.
Remerciements
Nous remercions en particulier la fondation Bettencourt Schueller Foundation pour son important soutien à cette étude. Nous remercions également l’institut Dehecq Fondation Institut de France la Fondation Paul Parquet et la fondation Antoine de Saint Exupéry pour les jeune pour leur contribution financière.
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Tableau 1
Diagnostic N=120 | N | % |
Autisme infantile F84.0 | 63 | 52,5 |
Autisme atypique F84.9 | 36 | 30 |
Syndrome d’Asperger F84.5 | 4 | 3,3 |
Syndrome de Rett | 2 | 1,6 |
Trouble hyperactif avec dyspraxie | 1 | 0,8 |
Pas de diagnostic formel | 14 | 11,6 |
Comorbidité | ||
Epilepsie | 4 | 3,3 |
Syndromes génétiques (22q13,…) | 4 | 3,3 |
Autres (malfo cardiaque, West…) | 17 | 14,1 |
Tableau 1 : description du groupe par rapport au diagnostic recueilli, selon la CIM 10
Tableau 2
Item | Stade | T0 Début 3i | T24 mois | P-value |
Imitation |
1-Imite rarement ou jamais | 56 | 6 |
1.188e-15 |
2-Imite de façon spontanée | 59 | 76 | ||
3-Imite à la demande | 5 | 38 | ||
Total | 120 | 120 | ||
Qualité du regard |
1-Regard absent la majorité du temps | 32 | 0 |
2.951e-14 |
2-Regard présent mais pas systématique | 83 | 77 | ||
3-Utilisation systématique du regard
pour réguler les interactions sociales |
5 | 43 | ||
Total | 120 | 120 | ||
Régulation socio- émotionnelle |
1-Insensible pour la majorité du temps à
la présence de l’adulte |
37 | 1 |
3.193e-13 |
2-Cherche à interagir avec l’adulte
spontanément |
80 | 88 | ||
3-Régulation émotionnelle face à face avec l’adulte |
3 |
31 |
||
Total | 120 | 120 |
Communication non verbale | 1-Absence du pointage et faible
communication verbale |
59 | 7 |
2.2e-16 |
2-Utilisation du pointage et de quelques gestes sociaux |
59 |
74 |
||
3-Plusieurs gestes sociaux dans la communication |
2 |
39 |
||
Total | 120 | 120 | ||
Expression verbale |
1-Absence ou presque de langage avec finalité de communication |
52 |
17 |
8.155e-10 |
2-Quelques mots utilisés de façon adaptée |
50 |
42 |
||
3-Phrases de 3 mots utilisées de façon
adaptée |
18 | 61 | ||
Total | 120 | 120 | ||
Compréhension verbale |
1-Ne répond pas aux consignes ni aux ordres |
19 |
1 |
2.583e-13 |
2-Répond occasionnellement à l’appel du
prénom et aux ordres simples |
93 | 63 | ||
3-Répond systématiquement aux ordres
et aux consignes |
8 | 56 | ||
Total | 120 | 120 |
Figure 1 : Flow Chart étude. Nous avons retenu, pour notre étude principale, les 120 dossiers complets qui répondaient à nos critères d’inclusion (avoir effectué au moins 24 mois de méthode intensive de 30h/semaine au moins ou avoir atteints le stade 3 des 3i au cours des 24 mois)
Figure 2
A
A /Histogramme représentant le nombre de patient par nombre de stade acquis, tout item confondu au cours des deux ans de méthode 3I
B
T0+24 mois | |||
Début 3I (T0) | Stade 1 | Stade 2 | Stade 3 |
Stade 1 | 11% | 76% | 13% |
Stade 2 | 0% | 54% | 46% |
Stade 3 | 0% | 2% | 98% |
B/ Tableau représentant la répartition des gains de stade tout items confondus après 24 mois de méthode 3I.
Histogramme représentant le score item par item du groupe de 120 patients au début de la méthode (bleu) et à la fin des 24 mois de méthode 3I (orange). Le score est calculé en fonction du nombre de patient dans chaque stade comme décrit dans la section matériel et méthode. En gris la progression du score (score T0 moins score à T24).