18 Avr2016
Ecrit par AEVE . Publié dans Vu dans la presse
La méthode des 3i pour traiter l’autisme par le jeu : 40 psychologues et 6500 bénévoles partout en France appliquent cette thérapie intensive, individuelle et interactive. L’association Autisme Espoir Vers l’Ecole (AEVE) voit progresser les enfants qu’elle suit depuis 10 ans.
Parmi les différentes thérapies proposées pour soigner l’autisme, la méthode des 3i (intensive, individuelle et interactive) s’appuie sur le jeu et l’échange. Décryptage.
Une petite salle de jeu, des bénévoles bienveillants et aucune contrainte d’apprentissage. Tels sont les fondements de la méthode des 3i (intensive, individuelle et interactive). Son but : remettre en marche le développement psychomoteur de la personne autiste .
La méthode des 3i naît en 2004, quand Catherine de la Presle élabore des astuces pour soigner son petit-fils Augustin, souffrant de troubles du spectre autistique. Elle s’inspire alors de la méthode Sun-Rise, développée peu de temps auparavant par deux psychanalystes américains. Le principe est simple : éveiller l’enfant autiste par des jeux non directifs et créer un échange par l’imitation. Cette méthode est intensive car elle stimule l’enfant toute la journée, tous les jours, pour ne pas qu’il s’enferme “dans sa bulle”. Elle est individuelle car l’enfant est isolé et bénéficie de l’attention complète de bénévoles, en tête à tête. Enfin, elle est interactive car il s’agit de capter l’attention de l’enfant par des activités et des échanges ludiques qu’il choisit lui-même. En 2005, face aux progrès observés chez son petit-fils, Catherine de la Presle fonde l’association Autisme Espoir Vers l’Ecole (AEVE) dont elle est aujourd’hui directrice. “Au bout d’un an et demi, Augustin a commencé à souffler, à émettre des sons, puis à faire usage de la parole” raconte Anaïs Bisdorff, responsable de l’antenne régionale d’AEVE Normandie et chargée de communication de l’association. “Augustin est alors repassé par toutes les étapes qu’il avait occulté depuis qu’il était bébé” ajoute-t-elle. Il a réintégré l’école progressivement et, aujourd’hui, Augustin a 15 ans. “Il est bon en classe et présente juste un trouble léger de l’intégration sociale” révèle Anaïs Bisdorff.
Comment adopter la méthode des 3i pour traiter l’autisme par le jeu ?
Aujourd’hui, AEVE accompagne 200 personnes autistes, âgées de 18 mois à 30 ans, et suivant la méthode des 3i grâce à un réseau de 40 psychologues et de 6 500 bénévoles. Cette méthode se pratique à domicile ou dans le centre expérimental Lud’Eveil , à Courbevoie (Hauts-de-Seine), actuellement seul centre appliquant les 3i en France. Le coût d’une prise en charge par la méthode des 3i est estimé à 350 euros par mois et par enfant. Elle atteint 1 000 euros lorsqu’elle se déroule au centre Lud’Eveil. A titre de comparaison, le coût mensuel de laméthode ABA (Applied Behavior Analysis) est évalué à 3 500 euros à domicile et 8 000 euros dans un centre.
Concrètement, les parents d’un enfant autiste peuvent prendre contact avec AEVE et suivre une formation d’une journée à Boulogne-Billancourt (Hauts-de-Seine). Cette formation coûte 150 euros. Il leur faudra ensuite aménager chez eux ou chez des proches une salle de jeu équipée d’un coin pour s’isoler, de tapis, d’un miroir, de balles et ballons et de plusieurs jouets. Dans cette salle, des bénévoles formés par AEVE se relaient toute la journée pour des séances de jeu d’une heure et demie, et un(e) psychologue suit l’enfant toutes les semaines. La salle ne doit pas excéder 10 mètres carrés pour que l’enfant s’approprie facilement l’espace : “la salle est un vrai cocon sensoriel qui répond aux besoins moteurs et psychiques. L’enfant doit en connaître les limites pour se sentir en sécurité. Si c’est trop grand, ça peut générer de l’angoisse, l’enfant court, fait des allers-retours” met en garde Chloé Bornens, psychologue clinicienne au centre Lud’Eveil, spécialisée dans les troubles développementaux de l’enfant.
Reconstruire toutes les étapes du développement de l’enfant
“Le jeu non-directif favorise de nouvelles connexions cérébrales qui permettent le rétablissement de la communication verbale et non-verbale, puis des apprentissages” détaille Catherine de la Presle. L’échange ludique et l’ imitation vont particulièrement stimuler les neurones miroirs , cellules du cerveau qui jouent un rôle dans l’apprentissage et dans la création de liens sociaux. Il s’agit alors d’amener la personne autiste à s’éveiller par étape, naturellement, en rebâtissant toutes les phases développementales. “Les enfants en reconstruction suivent toujours le même processus : ils babillent avant de parler, ils jouent avec des marionnettes avant de jouer avec leur main, de tenir des objets, puis un crayon“, détaille Anaïs Bisdorff. Une grille développementale permet de suivre la progression de la personne autiste.
Si la méthode des 3i a d’abord été élaborée pour des enfants, elle n’est pas soumise à limite d’âge. “Plus les personnes autistes sont pris en charge jeunes, plus le cerveau est plastique mais il y a de la plasticité à tout âge, donc il y a toujours de l’espoir” souligne Anaïs Bisdorff.
Progresser pas à pas vers le chemin de l’école
Petit à petit, l’enfant progresse, apprend à communiquer, à jouer, à interagir. “Son attention peut s’exprimer de manière très simple : un regard, une caresse, un son émis, un sourire” précise Anaïs Bisdorff. La méthode des 3i participe aussi à rééduquer les troubles sensoriels de la personne autiste , qui souffre fréquemment d’hyper ou d’hyposensibilité, c’est-à-dire qu’elle ressent trop ou pas assez les sensations visuelles, auditives ou tactiles. L’agitation de la rue ou d’une salle de classe peut alors se révéler très pénible, voire insurmontable. Quand l’enfant évolue et que son autonomie grandit, l’association AEVE envisage une réintégration progressive dans un parcours scolaire, soit dans une école classique, soit dans une Classe d’Intégration Scolaire (CLIS), soit dans un centre spécialisé de type Institut médico-éducatif (IME). Ceci “à condition qu’ils aient acquis les outils de communication nécessaires pour une vie de classe : simplement interpeler l’instituteur ou l’institutrice, dire s’il a mal quelque part ou s’il a besoin d’aller aux toilettes, interagir avec les autres enfants” explique Anaïs Bisdorff. La réintégration doit se faire petit à petit, d’abord une heure par semaine, puis une demi-journée, jusqu’à rejoindre une classe à temps complet.
Plusieurs études scientifiques sur la méthode des 3i sont en cours et devraient très prochainement permettre de l’inscrire aux recommandations officielles de la Haute Autorité de Santé (HAS) pour la prise en charge des troubles du spectre autistique. Une étude rétrospective sur 449 enfants suivis pendant 10 ans par l’association AEVE montre d’ores et déjà que 51% d’entre eux ont retrouvé le chemin de l’école classique après seulement deux à quatre ans de méthode des 3i. Chaque petit progrès est un pas vers la victoire, selon Josette Domingos, présidente de l’association Lud’Eveil : “la méthode des 3i permet à chaque enfant d’évoluer et de grandir. Il y a un espoir pour toutes les familles.”
Et n’oubliez pas notre #PétitionAutisme AEVE pour les enfants autistes : non à l’exclusivité, et pour le libre choix des méthodes reconnues efficaces par les familles et professionnels.Soutenez AEVE dans son action : cliquez ici pour lire et signer la pétition
Sources :
- Visite du centre Lud’Eveil, Courbevoie (Hauts-de-Seine)
- Interview d’Anaïs Bisdorff, responsable régionale d’AEVE Normandie et chargée de communication de l’association
- Interview de Josette Domingos, fondatrice et présidente de l’association Lud’Eveil Courbevoie
- Interview de Chloé Bornens, psychologue clinicienne au centre Lud’Eveil, spécialiste des troubles développementaux de l’enfant
- Gardziel, A., Ozaist, P., Sitnik, E. 2015. La méthode des 3i dans la thérapie des troubles du spectre autistique (TSA). Psychotherapia 1 (172)
Article repris du magazine Top Santé paru le 14/04/2016 : La méthode des 3i pour traiter l’autisme par le jeu